un endroit pour déposer pensées et images qui se fondent en moi comme autant de balises dans ce monde changeant et impersonnel.

mardi 12 mai 2015

Sentimentale



Savoir  aimer , je crois que Laurent Pagny chantait quelque chose dans ce sens ...

ce qui me vient ce matin c'est combien l'expression des sentiments est parfois difficile, ces fameux murs de protection qui nous empêchent de dire franchement, ouvertement et surtout de laisser son coeur dire son émoi, ne plus filtré le propos en passant par la tête, le coeur à coeur est une chose qui semble presque dangereuse.

Et puis ,on a peur d,être classé sentimental, comme dans fool sentimental...comme si verser du côté des sentiments c'était gnagna, et pourtant c'est indispensable. Qu'est-ce qu,une vie passée dans les hauteurs de sa tour , à voir tout de loin...sans toucher, sans sentir? à tout analyser, tout critiquer ?

Ma mère me racontait que je suis née après plusieurs fausses-couches, elle  avait  de la difficulté à garder en son sein un foetus juste par le poids qu,il prenait. Lorsqu'elle fut enceinte de moi, elle se faisait la promesse de ne pas me perdre et sans doute évitait de bouger outre mesure ou même normalement. Et elle disait que de toute la gestation, je ne bougeais presque pas non plus et ceci l,inquiétait...Aussi en venant au monde à terme j'avais le poids d,un prématuré....comment avais-je vécu cette première maison, comme une tombe potentielle ? ma mère affaiblie par de précédentes fausses couches, anémique même avait peu de nutriments pour moi ? mon énergie vitale était minimale ? même bébé ,elle disait que je pleurais sans cris, ou gémissement, juste des larmes sur mes joues, elle devait venir voir pour savoir si tout allait bien...

Je me demande si il y avait pas une certaine terreur qui me figeait, je ressentais peut-être la peur de ma mère, la vie en elle était comme arrêtée, ( la femme de plâtre )ou battait faiblement. Je me souviens enfant , il me venait  de grandes tristesses sans nom, j,avais envie de pleurer sans savoir pourquoi. j'étais une enfant très timide, et l'expression de mes émotions était je crois quelque chose qui me rendait vulnérable, j'attirais trop l'attention...et devenait embarrassée d'être vue. Je crois que ma difficulté à m,ouvrir , à m'exprimer émotionnellement remonte à très loin...et je réalise que mes enfants eux-même ont dû vivre cette retenue de ma part comme un manque mais aussi un code, un code de conduite qui fait en sorte que l'expression ouverte des émotions est quelque chose de l,ordre de l,intime, du très intime. Quel héritage insidieux...j'ai pourtant donné tout ce que j'ai pu je crois mais les enfants sont comme des éponges, ils sentent tout....

Je n,ai jamais voulu vraiment voir ma retenue comme une limite personnelle , elle était ma protection. Maintenant je prends conscience que la vie comme une fontaine doit jaillir, l,introvertie que je suis doit dans cette démarche d'individuation, ouvrir la porte à son opposé, l'extravertie , celle qui ose se montrer, se dire, s'exposer. Il aura fallu 60 ans pour ne plus avoir aussi peur, mais surtout pour réaliser combien j,ai toujours été enfermée en moi-même. Ce qui m'attriste c'est que c'est ce modèle que mes enfants ont eu...et  de cette femme réservée qu,il ont reçu soin et affection.J'ai fait un peu comme ma mère finalement...C'est ma désolation . Mais ma consolation est que je sais avoir fait de mon mieux même si celui-ci avait de grandes limites.

Aiimer, c'est dans un premier temps  faire confiance (quand les circonstances le méritent) et parler avec son coeur sans ambages, laisser les émotions avoir libre cours, comme rivière.. Oser une vie sentimentale quoi  .

2 commentaires:

  1. Eh oui, ces difficultés, ces réticences à dire ses émotions viennent souvent de très loin, de la toute petite enfance...et puis ensuite, on les "traîne" un certain temps...jusqu'à ce qu'on se sente assez "fort" pour faire un pas vers plus de spontanéité, plus de vérité...
    Cela demande qu'on trouve un endroit sécurisant...une personne attentive...
    Tout est question de rencontres...et aussi de "courage" pour accepter, à un moment donné d'exposer sa vulnérabilité...

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    1. oui et quand on ne rencontre pas cette ou ces personnes, le temps fait son oeuvre, et la personne de confiance devient alors nous-même; on est plus fort et on peut prendre des risques car l'abandon ne nous effraie plus, on s'est prouvé à soi-même que l'on pouvait vivre sans et on va de l,avant fort des épreuves passées.

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